En France, depuis la création de la galerie François Ier, à Fontainebleau, les galeries peintes constituent un moyen ostentatoire d’affirmation politique ou sociale pour le commanditaire. Les exemples abondent au xviie siècle, dont beaucoup ont disparu : la galerie de la Vie de Marie de Médicis peinte par Rubens (1622-1625), la galerie des Glaces de Charles Le Brun à Versailles (1679- 1684), les galeries d’hôtels particuliers comme celle de l’hôtel Lambert (vers 1650-1658), ainsi que, au début du xviiie siècle, la galerie du Mississipi de la Banque royale (1720) de l’Italien Gian Antonio Pellegrini (1675-1741), ou encore celle de Charles de La Fosse (1636-1716) pour le financier Pierre Crozat (1705-1707). Dans cette évolution, la galerie d’Énée du Palais-Royal à Paris, d’où proviennent les trois grandes toiles de Coypel, est décisive. Au décès en 1701 du frère du roi Louis XIV, son fils Philippe (1674-1723), devenu duc d’Orléans, et qui accédera au titre de régent à la mort du roi en 1715, demande à son Premier peintre, Antoine Coypel, de décorer une galerie qu’il avait fait construire par Jules Hardouin-Mansart en 1698-1700 au Palais- Royal et qui donnait rue de Richelieu. Le thème choisi est l’histoire d’Énée, ce prince troyen qui a échappé au saccage de Troie par les Grecs et qui pérégrine en Méditerranée, en Sicile et à Carthage avant d’aborder en Italie. Il fonde Rome, réunissant les peuples locaux aux Troyens partis avec lui. Virgile raconte cette histoire (29-19 avant J.-C.) sous la forme d’une épopée, l’Énéide, qui définit l’origine légendaire de Rome. Coypel peint dans un premier temps la voûte de la galerie entre le printemps 1703 et la fin de 1705 avec sept peintures. Puis, entre 1715 et 1717, le duc d’Orléans lui demande sept autres grandes toiles destinées à orner les murs. Parmi ces dernières, les trois conservées au musée Fabre sont peintes au début de cette période, vers 1715, et restent dans un bon état de conservation. Les quatre autres, exécutées plus tard, ont connu précocement des altérations néfastes, résultant de l’expérimentation malheureuse de couleurs instables que Coypel avait choisies pour leur intensité. En 1778, les tableaux sont déposés avant la destruction de la galerie en 1781-1783, puis envoyés au château de Saint-Cloud. À la Révolution, ils sont intégrés aux collections nationales. Trois sont déposés par le Louvre dans des musées de province : Énée portant son père Anchise et La Mort de Didon à Montpellier en 1804, Énée et Achate apparaissant à Didon au musée d’Arras en 1898, puis à Montpellier en 2005. Les autres sont toujours en réserve au musée du Louvre ou détruits, comme le plafond : l’esquisse conservée au musée des Beaux- Arts d’Angers est ainsi le seul souvenir de la voûte. L’ensemble réuni au musée Fabre est donc une tentative d’évoquer une décoration majeure de la fin du règne de Louis XIV et du début de la Régence. Le style de Coypel synthétise la grâce de Corrège, en particulier dans ses figures féminines, et la puissance du coloris et des compositions mouvementées de Rubens. Par ailleurs, il recherche des accords colorés très lyriques et étranges entre le vert, le violet, le rouge et le jaune. Dans Énée portant son père Anchise (Énéide, II), le prince troyen fuit le sac et l’incendie de Troie avec son fils Ascagne en emportant son vieux père Anchise qui tient les Pénates. Bien calé par les architectures, le groupe allie solidité et mouvement en hélice. Coypel réussit une synthèse du dynamisme baroque de Rubens et de la fermeté du dessin de Le Brun. Énée et Achate apparaissant à Didon montre le héros à Carthage après son naufrage. Un nuage cache son arrivée en compagnie de son fidèle Achate dans le temple de Junon où la reine Didon reçoit déjà les autres Troyens implorant son aide : la nuée qui s’efface révèle Énée à Didon étonnée puis déjà amoureuse. L’organisation générale, les attitudes très théâtrales rappellent Athalie chassée du Temple du musée du Louvre (1696) et Suzanne accusée par les vieillards du musée du Prado (1695). La Mort de Didon (Énéide, IV) est composée tout aussi efficacement et dramatiquement, des lignes courbes se répondant en arabesques montantes. Didon, sur son bûcher, s’est transpercé le sein ; elle est assistée de ses servantes et de sa soeur Anne tandis qu’Iris, envoyée par les dieux, coupe le cheveu qui la retient encore à la vie
Emplacement
- 18 - Galerie des ColonnesNuméro d'inventaire
D2005.3.1
Date
1715
Type d'oeuvre
PeintureDimensions
Materiaux
peinture à l'huile
Genre
HistoireThème
- Art et pouvoir
- Les émotions
- Mythologie