Eve tentée par le serpent

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Eve tentée par le serpent
DELORME Pierre Claude François
(Paris, 1783 - Paris, 1859)

Élève de Girodet (1767-1824), Delorme débute au Salon de 1810 avec une Mort d’Abel (musée Fabre), et participe régulièrement aux Salons suivants, jusqu’en 1859. Il construit sa réputation sur un style porcelainé, emprunté à son maître, au service de scènes suaves tirées de l’histoire ou de la mythologie antique. Ses couples tendrement unis (Héro et Léandre, musée de Brest, Sapho et Phaon, musée d’Elbeuf, Céphale et l’Aurore, musée de Sens) rencontrent un grand succès et font souvent l’objet de réductions pour les amateurs. Il reçoit plusieurs commandes pour des édifices religieux, en particulier Notre-Dame-de-Lorette, à Paris, dont il décore la coupole et les pendentifs. La peinture d’histoire l’attire peu, mais on relève une Fondation du collège royal par François Ier, vaste fresque destinée au musée de l’Histoire de France à Versailles. Delorme est l’exemple parfait du peintre héritier d’une tradition néoclassique qui ne peut ni ne veut se défaire de cet héritage dont la qualité essentielle repose dans le charme poétique de rêveries mythologiques souvent anecdotiques. Ève tentée par le serpent, toile ambitieuse présentée au Salon de 1834, n’est pas sans maladresses : la pose maniérée, les disproportions d’un corps où la nature est trop corrigée par la volonté de plaire gâtent une impression d’étrangeté produite par l’irréalité voulue de la scène. L’artiste peint une nature primordiale, qui couvre la totalité de la toile, une jungle oppressante qui ne laisse percevoir aucun horizon. Dans la moiteur étouffante à laquelle se réduit un paradis terrestre confiné, le danger est partout : le corps du serpent se confond avec la végétation et habite chaque recoin du tableau. Il entoure le corps de la naïve jeune femme, qu’il pourrait tout aussi bien broyer dans ses puissants anneaux. La tête du monstre, empanachée de plumes, rappelle la figure du Quetzalcóatl, divinité vénérée dans la civilisation précolombienne et dont le culte est fort répandu sur le territoire de l’actuel Mexique. Ce collage est cependant moins curieux qu’il n’y paraît : le « serpent à plumes » est une divinité intervenant aussi dans les récits de la Genèse. Les descriptions du Quetzalcóatl – déité bien étudiée depuis la découverte de la civilisation aztèque par les Européens – et les recherches menées au xixe siècle sur l’origine des cultes expliquent sans doute ce syncrétisme savoureux, à l’origine d’un tableau énigmatique, qui touche aux limites du possible pour la tradition néoclassique. La présentation des oeuvres de Delorme léguées au musée Fabre en 1859 (avec le superbe Portrait de Madame Delorme en dessinatrice) fut l’objet d’une controverse entre le maire, Jules Pagézy, et le directeur, le marquis de Nattes, réticent à exposer les « nudités des tableaux de M. Delorme [qui] éloignent de nos galeries un grand nombre de dames ». On mesure à l’aune de cette anecdote l’émoi qu’a pu causer en 1853 l’acquisition des Baigneuses de Courbet par le collectionneur montpelliérain Alfred Bruyas.

Emplacement

- 29 - Romantisme

Numéro d'inventaire

860.2.2

Date

1834

Type d'oeuvre

Peinture

Dimensions

sans cadre : L. 179.00 cm x H. 243.00 cm x E. 4.00 cm
avec cadre : L. 225.00 x H. 287.00 cm x E. 17.00

Materiaux

peinture à l'huile

Genre

Histoire

Thème

  • Allégories et symboles
  • Femme, féminin, féminité
  • Iconographie religieuse
  • Le corps