Exercices militaires des Marocains

Le tableau de la collection Bruyas constitue l’un des plus beaux témoignages de l’art de Delacroix directement sous l’emprise de son voyage au Maroc de 1832. Au cours de ce séjour, Delacroix fut plusieurs fois le témoin, principalement sur le trajet de Tanger à Meknès, de ces cavalcades d’Arabes appelées courses de poudre ou fantasias : hissés sur leurs étriers, hurlants et fougueux, ces cavaliers émérites tiraient en l’air à une vitesse vertigineuse. Le comte de Mornay signale dans sa correspondance (23 mars 1832) ces exercices réservés aux plus grandes solennités et ajoute : « Ces marques de considération ne sont pas sans danger pour les chrétiens qui les reçoivent, car les Maures se plaisent à leur tirer au visage pour voir s’ils se laissent effrayer. » Selon son habitude, l’artiste fit plusieurs dessins de ces spectacles fugitifs et frappants qui devaient servir à raviver sa mémoire après son retour en France. De fait, une aquarelle terminée à Toulon et conservée au musée du Louvre montre une composition similaire mais inversée et plus détaillée, avec en particulier l’indication des remparts de Meknès. Un passage des notes prises par Delacroix (6 mars 1832) peut directement être mis en relation avec notre tableau : « La tribu nous suivant ; désordre, poussière ; précédé de cavalerie. Courses de poudre : les chevaux dans la poussière, le soleil derrière. Les bras retroussés dans l’élan. » La composition sobre et efficace fusionne dans un élan unitaire les cavaliers volants faisant irruption par la gauche en dessinant une grande ligne horizontale que vient rompre la diagonale dynamique de la monture fougueuse au premier plan à droite. La touche nerveuse, tantôt fluide ou au contraire pleine d’empâtements savoureux, la splendeur de la palette qui égrène quelques touches de couleurs, jaune, rouge, sans oublier le blanc crémeux sur la masse des noirs profonds, le ciel fuligineux participent encore de la sensualité et de l’énergie indomptable du maître incontesté de l’école romantique