Hérodiade portant la tête de saint Jean Baptiste

Cette grande Hérodiade fait partie, avec Le Martyre de sainte Cécile, des tableaux anonymes les plus mystérieux du musée. Ses qualités plastiques semblent indiquer un artiste de grand talent. Pourtant, aucun consensus n’a pu se créer parmi les historiens de l’art, depuis son entrée au musée au milieu du xixe siècle comme une oeuvre de Guerchin (1591-1666). Le cadrage à mi-corps, le fond abstrait, radicalement tranché par une ombre portée, le réalisme des physionomies, le sujet lui-même, mêlant la beauté féminine et l’horreur de la tête coupée, tous ces éléments trahissent une grande proximité avec l’art de Caravage. Certains aspects sont cependant éloignés de la violence parfois crue du peintre italien et de ses suiveurs : l’élégance distinguée de la figure féminine semble plutôt désigner un artiste français. En ce début de xviie siècle, c’est Simon Vouet (1590- 1649) qui réunit autour de lui le cercle le plus brillant de peintres de cette nationalité installés à Rome. Les mèches ondulées de la jeune femme évoquent directement ses figures, mais aussi celles peintes par son épouse Virginia Vezzi (1601-1638) ou son graveur Claude Mellan (1598-1688). Si ces deux noms ont pu être proposés pour identifier l'auteur de notre Hérodiade, ils n’ont pas su convaincre. Si l’on s’en tient à l’analyse des qualités propres du tableau, soulignons qu’il possède à la fois quelques maladresses anatomiques (la manière dont le nez s’intègre au visage ; la tête au cou et le cou au buste) et de superbes nuances chromatiques, en particulier la manche où l’artiste joue remarquablement de la préparation brune en réserve et des éclats de blanc qui viennent électriser le bleu dense. Le bloc minéral du premier plan, presque abstrait, a de quoi surprendre et indique peut-être une oeuvre inachevée. Ces éléments seront à retenir pour de futures propositions d’attribution au sujet de ce tableau en quête d’auteur