Après avoir peint en 1868 pour ses cousins Teulon l’élégant et mondain Vase de fleurs sur une console du musée de Grenoble, Frédéric Bazille aborde à nouveau ce thème durant la dernière année de sa brève existence. L’artiste a été profondément influencé par les tableaux de fleurs d’Édouard Manet, découverts au début de son séjour parisien, mais sans doute aussi par ceux réalisés par Eugène Delacroix et Gustave Courbet. Bazille semble vouloir combiner ici une scène de genre avec une nature morte selon une tradition bien ancrée dans la peinture européenne (dans les Flandres, à Naples…) depuis le xviie siècle. Le peintre adjoint à son tableau une femme qui est certainement la même que celle que l’on voit agenouillée à gauche au premier plan de La Toilette. Bazille réalisa une première version de sa composition (Washington, National Gallery of Art) qui montre la femme noire tournée vers le spectateur, présentant de la main droite un bouquet de pivoines. La version du musée Fabre, entreprise un peu plus tard, vers la fin du printemps 1870, met tout autant en valeur la sensualité colorée des fleurs mais insiste davantage sur l’action et l’intimité de la scène : le modèle, dont le buste émerge plus clairement de derrière la table, est occupé à agencer le plus soigneusement possible le bouquet qu’elle contemple avec une concentration extrême. Elle est sur le point d’introduire une tige de pivoine dans le vase d’où jaillissent déjà de grosses pivoines roses et rouges, des iris bleus et un rameau de tamaris. De la main gauche, elle garde en réserve un rameau de cytise. Devant elle, sur la table, reposent des fleurs en désordre, boules de neige et pivoines. Le fond neutre du tableau, la figure sobrement vêtue, le visage fermé, légèrement dans l’ombre, font ressortir avec un éclat et une ivresse incomparables la guirlande de fleurs qui se mélange avec bonheur à la panse généreuse et fleurie du vase. Celui-ci, dû à Laurent Bouvier et prêté par Henri Fantin-Latour, apparaît sur le bord de la table dans Un atelier aux Batignolles (1870, Paris, musée d’Orsay) exécuté par ce dernier. Les reflets dorés du visage qu’exalte encore le jaune pâle du cytise, les effets moirés du foulard auxquels répondent les luisances du vase, le clair-obscur prononcé achèvent de donner à l’ensemble une extraordinaire présence en même temps qu’un sentiment de jubilation qui est le signe d’une modernité retrouvée. Par son exubérance, sa sensualité, mais aussi par son caractère énigmatique, le chefd’oeuvre de Bazille rivalisait une dernière fois, avec brio, avec l’Olympia de Manet (1863, Paris, musée d’Orsay) qui montrait à l’arrière-plan, à droite, une servante noire présentant un bouquet composé, enveloppé par un fleuriste.
Emplacement
- 39 - Salle BazilleNuméro d'inventaire
18.1.3
Date
1870
Type d'oeuvre
PeintureDimensions
Materiaux
peinture à l'huile
Genre
Nature morte Scène de genreThème
- Femme, féminin, féminité
- Fleurs
- Vie quotidienne