Ce superbe tableau, de provenance illustre (collection Christine de Suède au xviie siècle, Orléans au xviiie, Joséphine de Beauharnais au xixe), est celui d’un artiste originaire de la région de Rimini et formé à Bologne et à Rome avant de s’installer à Venise en 1650, puis à Vienne où il mourut en 1663. Cette belle et jeune martyre pourrait être identifiée avec sainte Mustiole de Chiusi comme le suggère l’inventaire du sculpteur bolonais Giulio Cesare Conventi (1577-1640) en 1640 : Mustiole, patricienne romaine cousine de l’empereur Claude, gagnée à la religion chrétienne, tente de protéger ses coreligionnaires persécutés, tel le diacre Irène incarcéré à Chiusi (province de Sienne). Le préfet Turcius, irrité, essaye de la réduire à l’apostasie puis tente de la séduire. Il la condamne alors à être frappée à mort dans sa geôle. Le culte des martyrs est bien représentatif de la piété de la Contre-Réforme qui cherche à édifier ses fidèles par la représentation de saints accompagnés des instruments de leur supplice. Bien que surtout implanté à Chiusi, le culte de sainte Mustiole rayonnait ailleurs dans la péninsule, notamment en Romagne, région d’origine de Cagnacci. Mélange audacieux de culture classique issue du cercle des Carrache et de réalisme caravagesque, le tableau propose avec conviction et pudeur une méditation sur les mystères de la foi. La jeune femme est présentée de biais, le corps légèrement hissé et appuyé contre un chevalet de torture ; les chairs laiteuses resplendissent dans la pénombre de la cellule ; un drapé galonné d’or, rappelant les nobles origines de la sainte, sépare le corps en deux ; la tête rejetée en arrière laisse découvrir dans l’oeil droit un dernier éclair de vie. L’absence de traces de blessure (à part quelques gouttes de sang sur le sol) captive le regard qui glisse sur ce corps, languidement abandonné, pour s’arrêter sur les sinistres instruments de torture au premier plan à gauche. La lumière délicatement modelée adoucit les contours en atténuant la vérité de ce nu à l’évidence observé d’après un modèle vivant. L’extase sensuelle a succédé au martyre dans une sorte de temps suspendu. Ce chefd’oeuvre de l’art italien du xviie siècle fut vraisemblablement exécuté par Cagnacci à la fin des années 1630, à la veille de son départ pour Forli en 1641, et laisse transparaître la double influence de Guido Reni (1575-1642) et d’Orazio Gentileschi (1563-1639).
Emplacement
- 11 - Galerie des GriffonsNuméro d'inventaire
852.2.1
Date
Avant 1640
Type d'oeuvre
PeintureDimensions
Materiaux
peinture à l'huile
Genre
HistoireThème
- Iconographie religieuse