La Chasse de Didon et Enée

Raoux peint ce tableau alors que sa carrière connaît son apogée à Paris en tant que portraitiste des gens du spectacle et peintre de genre à la manière hollandaise. Protégé par Philippe de Vendôme (1655-1727), puis par le régent Philippe d’Orléans (1674-1723) qui lui commande son Télémaque en 1722 (conservé au musée du Louvre), il pratique aussi la peinture d’histoire, passage obligé d’un artiste souhaitant acquérir quelque lustre officiel (l’inventaire après décès de Raoux mentionne un Didon et Énée dans la grotte qui pourrait être celui-ci). Ce tableau, inspiré de l’Énéide de Virgile, illustre la chasse organisée par Didon devenue amoureuse d’Énée après son arrivée à Carthage et qui voit le couple s’unir dans une grotte à l’occasion d’un orage favorable. La composition est très inspirée des modèles vénitiens, connus lors de son séjour sur la lagune : extravagance hors du temps des costumes et scintillement d’émail du coloris. Révélatrice de la liberté du temps dans la recherche des modèles stylistiques, l’influence des Nordiques – les rembranesques et Gottfried Schalken (1643-1706) pour le clair-obscur et les contre-jours, Caspar Netscher (1639-1684) et Ter Borch (1617-1681) pour le raffinement des satins – se surimpose à la référence vénitienne et abonde dans la recherche de richesse des couleurs et des lumières changeantes. Il reste que la grâce de Didon, l’élégance théâtrale des attitudes sans l’emphase que pouvait y mettre Antoine Coypel (1661-1722), le charme ombreux de la campagne propice aux couples amoureux évoquent bien l’ambiance française de la Régence, hédoniste, jouisseuse et friande de merveilleux.