Eugène Carrière a peint tout au long de sa vie de très nombreuses scènes d’intimité, en particulier des maternités qui mettent en scène la tendresse et la complicité d’une mère avec son enfant. Il a également saisi quelques instants de la vie familiale, un enfant dessinant, une jeune femme coupant du tissu, une adolescente lisant ou méditant. Intimité (Paris, musée d’Orsay) est justement le titre du tableau qui lance Carrière au Salon de 1889 en tant que peintre de la vie domestique, doué d’une perspicacité psychologique et d’une attention particulière à l’expression du sentiment. Cependant, le peintre ne s’aventure que très rarement au-delà de cette intimité qui se sait observée. Il répugne aux nudités, à surprendre son modèle, il n’est pas voyeur. Exceptionnellement, son oeuvre devient charnelle, troublante, comme dans Femme aux seins nus – La Nature (Paris, musée d’Orsay) où le visage du personnage se réfugie avec pudeur dans l’ombre. C’est à peine si quelques nus couchés, quelques belles endormies, apparaissent dans ses oeuvres vers 1900. Le sujet du tableau du musée Fabre, une jeune femme assise à sa toilette, est banal dans l’histoire de l’art ; ainsi qu’en témoigne l’étude du critique Charles Morice, il est particulièrement important dans l’oeuvre de Carrière où l’on recense Femme à sa toilette (1888, à M. Devillez), Jeune Femme devant une psyché (à M. Arthur Fontaine), Femme se préparant, Femme se coiffant, La Toilette (à M. Carriou), Jeune fille se coiffant (à M. Mauzi), Femme nue se préparant. Peut-être faut-il voir dans l’un de ces tableaux dont le propriétaire n’est pas nommé l’oeuvre du musée Fabre, que la dédicace « A mon ami Brandon. affectueusement » semble attribuer au sculpteur Édouard Brandon (1831-1897). Dans la production assez abondante du peintre, le tableau se distingue par sa gamme de gris à peine colorés qui tranche avec celle des bruns dont Carrière abuse vers 1900. La couleur froide, le personnage vu de dos, l’éclat de lumière sur l’épaule évoquent Les Dévideuses (Londres, Tate Gallery), ce qui daterait La Coiffure vers 1887-1888. Également singulière est la présence du miroir, intrusion violente du monde réel dans la pénombre d’un intérieur où tout est adouci et terni. Comme l’a noté Charles Morice, Eugène Carrière nous propose, dans chacune de ses oeuvres, « ce spectacle mystérieux et sublime : la naissance de la clarté, qui est la naissance de la vie ; et nous suivrons docilement, pris à cette magie, le chemin toujours de plus en plus éclairé qui, des profondeurs de douces ténèbres, nous conduira au point brillant, central, de la lumière totale ». Le miroir de La Coiffure paraît alors incarner cette recherche d’absolu, cette ambition picturale que l’artiste résume ainsi : « Une tache blanche où il y aurait tout. »
Emplacement
- 40 - Salle CastelnauNuméro d'inventaire
39.3.1
Date
Vers 1887
Type d'oeuvre
PeintureDimensions
Materiaux
peinture à l'huile
Genre
Scène de genreThème
- Vie quotidienne