La Diseuse de bonne aventure

Jean Tassel est l’un des artistes les plus singuliers du xviie siècle français. S’il mène toute sa carrière à Langres, il est aussi présent à Rome vers 1634- 1636. Il se tient volontairement éloigné de Paris qui concentre l’essentiel des commandes artistiques, sans pour autant ignorer les innovations picturales qui y sont menées. Cette carrière provinciale ne provoque pas une marginalisation du peintre, mais lui permet au contraire de rester sensible à d’autres courants, italiens et flamands. Il est particulièrement apprécié à Dijon, ville pour laquelle il exécute de nombreuses peintures, aujourd’hui visibles au musée des Beaux-Arts. Un élégant se fait lire l’avenir par une bohémienne dans un talisman posé sur sa main. Une jeune femme complice le met en confiance en plaçant son bras sur ses épaules, tandis qu’un petit garçon est en train de le détrousser. Tout à gauche, un brigand enveloppé dans son manteau et le chapeau enfoncé sur la tête s’approche. Ces scènes bigarrées, proches du théâtre de ce temps, mêlant humour et leçon de morale et mettant en scène la rencontre du vice et de la naïveté, de la misère et de la richesse, étaient très appréciées des collectionneurs. Le sujet, le cadrage à mi-corps, le clair-obscur et le fond abstrait sont autant de références directes aux deux tableaux du même sujet inventés par Caravage au début du siècle (Paris, musée du Louvre ; Rome, Musei Capitolini), qui inspirèrent tant d’artistes dans son sillage. L’éclairage aux tons contrastés, les attitudes et les physionomies délibérément naïves sont la marque personnelle de Tassel et font le charme de son style. De même, la touche épaisse et savoureuse et les couleurs subtiles qui animent la sobriété générale de la toile, notamment le rose lilas et le bleu azur, semblent indiquer une bonne connaissance de l’art du Vénitien Carlo Saraceni (1579-1620) et des peintres nordiques actifs en Italie, tels que Nicolaes Berchem, Jan Both (vers 1615-1652) ou Karel Dujardin.