La fête foraine à Rouen

Élève à l’école des beaux-arts du Havre où il se lie d’amitié avec Raoul Dufy, Othon Friesz obtient en 1897 une bourse pour poursuivre ses études à Paris. Il rejoint alors l’atelier de Léon Bonnat (1833-1922) aux Beaux-Arts, où il rencontre Henri Matisse, Georges Rouault et Albert Marquet. Il participe pour la première fois au Salon des indépendants en compagnie de Raoul Dufy en 1903 et expose au Salon d’automne de 1905. S’il peint d’abord dans une veine néo-impressionniste, dans la lignée de Camille Pissarro et d’Armand Guillaumin, Friesz se tourne vers une esthétique fauve durant l’été 1907, qu’il passe, en compagnie de Georges Braque, à La Ciotat et à l’Estaque, et dont il retranscrit, tout en couleurs pures, l’éclatante lumière. C’est après avoir découvert la rétrospective dédiée à Paul Cézanne en 1907 au Salon d’automne qu’il va se tourner vers des compositions rythmiques et architecturées dont témoigne La Fête foraine à Rouen. Cette oeuvre fut très probablement réalisée en 1908, année où, au mois de juillet, le peintre séjourne à Rouen afin d’« étudier de près les trésors du gothique dans [la cathédrale] ». Il exécute à cette occasion une importante série, qui, sur les pas de Claude Monet, prend pour thème la cathédrale de Rouen (une des peintures est conservée au musée de Grenoble). Sous l’influence du maître d’Aix, il structure davantage le paysage urbain, cernant de larges traits noirs les différentes formes qui le composent. Malgré une certaine sévérité anguleuse, le cadre festif ici dépeint donne en outre l’opportunité à l’artiste d’exalter la frénésie de la vie moderne, grâce à une touche enlevée créant des effets de flou et de mouvement, qui vont de pair avec le faste et la flamboyance colorée de la scène. L’année 1908 est marquée par le retour de Friesz sur sa terre natale. Il participe au Havre à la troisième exposition du Cercle de l’art moderne, avec Braque, Dufy, Marquet, Matisse, Maurice de Vlaminck, André Derain et Kees Van Dongen. Créée en 1906 par des collectionneurs, cette association organise des expositions, des concerts et des conférences, faisant de la ville normande un des foyers importants des avant-gardes du début du siècle