Si le jury du Salon se caractérise au xixe siècle par un aveuglement persistant, un rejet aussi obstiné qu’infondé, c’est bien à l’endroit de Théodore Rousseau : après avoir accepté en 1831, 1833 et 1834 ses premiers envois qui ne prêtaient pas à conséquence, le jury va les refuser systématiquement entre 1836 et 1841, censurant des tableaux essentiels pour l’oeuvre du peintre, La Descente des vaches dans les montagnes du Haut-Jura (1836, La Haye, musée Mesdag), L’Allée des châtaigniers (1839, musée du Louvre). Si ces refus indignent la critique, ils n’en marquent pas moins un coup d’arrêt dans la carrière de Rousseau et le début d’une relation conflictuelle avec l’institution, qui reste définitivement marquée par la suspicion et la rancoeur. L’artiste souffrira au plus haut point de ce manque de reconnaissance et il en mourra, à la suite du rejet de sa promotion à la distinction d’officier de la Légion d’honneur. Son existence fut par ailleurs marquée par des difficultés matérielles récurrentes – dues au peu de commandes publiques qui lui furent octroyées – qu’il dut résoudre par des ventes aux enchères de son fonds d’atelier, aux résultats aléatoires. La première de ces ventes, le 2 mars 1850, est particulièrement surveillée par les amateurs ; plusieurs tableaux figurent aujourd’hui dans les musées nationaux, tel Le Vieux Dormoir du Bas-Bréau (Paris, musée d’Orsay). Le collectionneur montpelliérain Alfred Bruyas, qui s’est installé à Paris depuis quelques mois, s’intéresse à cette école moderne du paysage, dont il partage le goût du vrai. Sans agir directement dans la vente, il achète par un intermédiaire pour la somme de 400 F un des premiers chefs-d’oeuvre de Rousseau, qu’il publie immédiatement dans le catalogue de sa collection en 1851 sous le titre Mare et clairière au printemps – Étude d’arbres dans la forêt de Fontainebleau. Il s’agit probablement du no 37 de la vente, Clairière au printemps, aujourd’hui connu sous le titre de La Mare. La question du titre et de la localisation n’est pas aisée à trancher dans l’oeuvre de Théodore Rousseau. Les mares sont parmi ses sujets de prédilection, pour leur capacité à faire jouer les reflets de la lumière et de l’eau avec les atmosphères incertaines des marais où il aime peindre. Le tableau est généralement daté autour de 1840 ; on trouve à cette époque aussi bien des vues du Berry que de Bourgogne, des Landes ou de Fontainebleau, peuplées de mares et de troupeaux s’abreuvant. Le titre générique actuel permet de s’affranchir de ces questions somme toute accessoires, pour ne retenir que l’essentiel. Comme l’exprime l’artiste lui-même dans une lettre à Théophile Gautier (1811-1872) : « Qu’est-ce que l’art a à faire avec tout cela ? Viendra-t-il jamais d’ailleurs que d’un petit coin ignoré où un homme scrute les mystères de la nature, bien convaincu que la solution qu’il en retire, et qui lui est bienfaisante, l’est aussi pour l’humanité ? »
Emplacement
- 37 - Salle CourbetNuméro d'inventaire
868.1.71
Date
Avant 1850
Type d'oeuvre
PeintureDimensions
Materiaux
peinture à l'huile
Genre
PaysageThème
- Animaux
- Eau
- Nature