La Religion : Bossuet et Fénelon

Traditionnellement réservée à la figure royale, la sculpture publique s’ouvre à la fin du xviiie siècle à la commémoration des grands hommes de l’histoire nationale. Le comte d’Angiviller (1730-1809), directeur des Bâtiments du roi, avait ainsi lancé en 1776 une vaste commande de sculptures représentant de célèbres artistes, écrivains, hommes d’État ou hommes de guerre de l’histoire de France pour décorer le palais du Louvre qui devait prochainement ouvrir ses portes au public. À la même époque, les États du Languedoc décidèrent de commander des groupes sculptés pour orner la place royale du Peyrou à Montpellier. Les sculptures devaient graviter autour de la monumentale statue équestre en bronze de Louis XIV, installée en 1718. Le projet, qui enthousiasma Voltaire, présenterait quatre groupes de deux figures historiques du règne du Roi-Soleil : Condé et Turenne, symbolisant la guerre, furent confiés à Clodion (1738-1814), les chanceliers d’Aguesseau et Lamoignon, pour le droit, à Pierre Julien (1731- 1804), la marine, avec Colbert et Duquesne, serait sculptée par Pajou, et la religion, représentée par Bossuet et Fénelon, par Moitte. Les problèmes financiers et la Révolution empêchèrent d’achever ce projet, mais ces deux maquettes préparatoires permettent d’en deviner l’ambition. Les sculptures en terre, modelées à la main et à l’aide d’outils, offrent de multiples détails savoureux et s’animent d’une superbe vivacité. Le groupe de Moitte, plutôt frontal, insiste sur la majesté des plis et donne une image noble et apaisée des deux grands ecclésiastiques. Celui de Pajou, au contraire, est plus dynamique, suggérant un échange dramatique entre le ministre et l’amiral. Les costumes, en rupture avec le goût pour l’antique, reprennent ceux du temps de Louis XIV et renouvellent ainsi le registre artistique. Ce « goût patriotique » formait une synthèse entre la célébration monarchique et l’exaltation nationale, et permettait au spectateur de découvrir l’image de son propre passé. À cet égard, ces deux maquettes anticipent largement la passion qui parcourut tout le xixe siècle pour la célébration sculptée des grands hommes comme pour la redécouverte de l’histoire de France