Ce petit chef-d’oeuvre tant de fois reproduit fut exécuté lors du séjour de Courbet en Languedoc de mai à septembre 1854 à l’invitation de Bruyas. Courbet avait déjà vu la mer lors d’un voyage en Normandie en 1841 en compagnie de son camarade Urbain Cuenot. En Languedoc, tournant le dos à la ville qui ne retient pas son attention, il part bien vite excursionner vers la côte et les étangs sur les conseils de Bruyas et de ses amis. Le littoral encore vierge de la Méditerranée, sans cap, sans relief, sans habitations ou presque, plonge sans transition le spectateur dans l’immensité en lui procurant un sentiment d’ivresse et de joie irrépressible. Courbet, habitué aux ruisseaux remplis d’ombres de Franche-Comté, se grise d’air, d’espace et de lumière. Au rebours de La Rencontre où l’échange entre les figures dominait le paysage, cette fois-ci, une frêle silhouette se laisse submerger par les forces de la nature. Elle salue, ébranlée et reconnaissante. Cette petite figure repoussoir au premier plan à gauche donne toute sa force à ce tableau de dimensions modestes qui semble contenir la mer tout entière réduite à trois bandeaux, quasi abstraits, de matière colorée abruptement étalée : ocre pour la plage, vert bleu ultramarin pour l’onde et bleu délavé pour le ciel. Cette rencontre euphorique avec la nature et les mystères du cosmos, Courbet nous la livre telle quelle, sans artifice, dans l’évidence même de la peinture et surtout sans le pathos romantique que l’on trouve chez Caspard David Friedrich dont le Moine au bord de la mer (1809-1810, Berlin, Alte Nationalgalerie) a parfois été rapproché de ce tableau. Cette quête initiatique qui découle du pacte (ou « Solution ») conclu entre artiste et mécène renvoie au second plan la question, souvent discutée, de l’identification du personnage : Courbet ou Bruyas ? Cette marine prélude à toute une série de paysages de mer exécutés par Courbet au cours des années 1860 sur la côte normande dans lesquels la figure humaine tend à disparaître. Whistler s’en inspire en 1865 quand il rencontre Courbet à Trouville (Harmonie en bleu et argent, Boston, Isabella Stewart Gardner Museum).
Emplacement
- 37 - Salle CourbetNuméro d'inventaire
868.1.24
Date
1854
Type d'oeuvre
PeintureDimensions
Materiaux
peinture à l'huile
Genre
PaysageThème
- Eau