Le petit Samuel en prière

Le Petit Samuel est un des premiers tableaux anglais entrés dans une collection française puisqu’il serait arrivé en France en 1778, un an après son exécution, probablement dans la collection de François Michel Harenc de Presle chez lequel il est cité en 1787. À cette époque, Reynolds est à l’apogée de sa carrière de portraitiste de la haute société anglaise. L’inscription sur la toile, « Samuel, chap. 3 », explicite le sujet, tiré de l’Ancien Testament : Dieu appelle le prophète Samuel encore enfant, alors qu’il dort dans le temple. Seule la lumière surnaturelle qui vient de l’angle supérieur gauche signale le caractère religieux d’une scène qui est très proche des portraits d’enfants ou des fancy pictures – scènes de fantaisie – de Reynolds. Cet enfant touchant, en oraison, est d’ailleurs bien dans l’esprit de Jean-Baptiste Greuze (1725-1805) dont les tableaux étaient certainement connus de l’Anglais, par exemple La Prière du matin du musée Fabre, célèbre en son temps. Le Petit Samuel a d’ailleurs été légué par Valedau, en même temps que plusieurs remarquables oeuvres du Français. Tandis que dans son Saint Jean-Baptiste (Minneapolis, Institute of Art) Reynolds pastiche Raphaël et Guido Reni, il s’inspire ici de Rembrandt (1606- 1669) dont il patine la vigueur d’une suavité à la Van Dyck (1599-1641), maître de référence, s’il en est, de l’école anglaise. Les tons bruns et dorés, la facture triturée très expressive, le mélange réussi entre l’humain et le divin appartiennent au monde rembranesque. Ces pastiches rejoignaient les oeuvres des maîtres anciens sur les cimaises des collectionneurs en s’y intégrant à merveille, en un jeu subtil et savoureux pour un amateur, entre le modèle et l’imitation. Une première version montrée en 1776 à la Royal Academy de Londres fut détruite dans l’incendie de Belvoir Castle en 1816 et la Tate Gallery en conserve une autre, un peu différente, où l’on distingue un pied de lit à l’arrière-plan.