Fidèle à son Midi natal, Frédéric Bazille revient chaque année séjourner dans sa famille à la recherche de motifs nouveaux qui pourraient attirer l’attention de ses amis ou du jury du Salon. Son père, dès 1866, lui conseille d’aller explorer la petite cité médiévale d’Aigues-Mortes, chargée d’histoire, jusque-là peu représentée et de surcroît haut lieu du martyre protestant. L’année suivante, en mai, Bazille se rend à Aigues-Mortes, s’installe à l’hôtel Saint-Louis et va, malgré le temps incertain, dessiner et peindre sur le motif. Une première grande toile (Washington, National Gallery of Art) montre les remparts d’Aigues-Mortes vus de l’ouest, de l’autre côté du chenal maritime. Une deuxième (New York, The Metropolitan Museum of Art), à l’opposé, se concentre sur la silhouette massive de la porte de la Reine, du xiiie siècle, qui étend son ombre menaçante au premier plan alors que les derniers rayons du soir déclinent et illuminent la petite rue pittoresque au centre. Le tableau du musée Fabre, de format plus réduit, présente une structure proche du tableau de Washington : la grande ligne horizontale formée par les remparts divise la composition en deux, accordant une large place au ciel et à l’eau. Cependant, ici, la mise à distance des remparts vus du côté du sud, décalés sur la droite, accentue l’impression de flottaison, de platitude et d’amalgame de tous les éléments, caractéristique du paysage languedocien en Petite Camargue. La touche lisse et compacte sur les remparts et la surface de l’eau se fait plus descriptive et sensible dans les replis de la végétation du marais. L’atmosphère, moins figée que dans les deux autres toiles (davantage redevables à l’art d’Édouard Manet et de Claude Monet), devient au contraire plus frémissante grâce aux jeux ténus de lumière sur les nuages et les cabanes blanches et roses, sans oublier le tremblement de la touche sur la cime des arbres à l’horizon du côté du cordon littoral. Soigneusement préparés par une série de croquis appartenant à un carnet conservé au musée du Louvre, tous ces tableaux lumineux et mélancoliques constituaient la réplique personnelle du peintre aux paysages urbains exécutés un mois plus tôt par ses amis Claude Monet et Auguste Renoir.
Emplacement
- 39 - Salle BazilleNuméro d'inventaire
56.13.1
Date
1867
Type d'oeuvre
PeintureDimensions
Materiaux
peinture à l'huile
Genre
PaysageThème
- Eau