L'Eté

Comme pour La Frileuse, le modèle de L’Été fut conçu en 1781 pour Anne Charles Modenx de Saint- Wast. Pour des raisons que l’on ignore, Houdon modifia la taille de la statue, qui est datée de 1785, et se contenta d’abord de réaliser un buste en plâtre, daté de 1782 (collection particulière). Traditionnellement, les représentations de l'été, pour faire contraste à l'hiver, mettaient en valeur une jeune paysanne avec blé, fleurs et fruits qui faisait bien sûr penser à Cérès, déesse des Moissons. Houdon s’en tient pour une part à cette iconographie en accompagnant sa figure d’une faucille et d’une gerbe de blé. Mais il prend aussitôt ses distances avec l’évocation de la déesse antique, dont il connaissait le mythe tragique à travers la recherche éperdue de sa fille Proserpine, ravie aux enfers par Pluton. Houdon préfère nous offrir l’image d’une fière et réjouissante petite paysanne qui tient de la main gauche un arrosoir moderne (qui fait écho à l’urne brisée du pendant et symbolise l’eau vive qui s’écoule) et qui a négligemment retenu ses cheveux, agrémentés d’épis de blé, dans un foulard comme pour les travaux des champs à la belle saison. À ses pieds figurent des fleurs et des fruits (raisin, pomme, grenade) ainsi qu’un tambour de basque, symbole de fête. La courte tunique qui rappelle vaguement l’antique et qui retombe sur le bras met en valeur le corps juvénile, ferme et délicat à la fois. Le beau visage empreint d’une noble assurance rayonne dans tout l’éclat de la jeunesse. Les mèches sur le front, le regard bien marqué, l’extrémité du fichu retombant sur l’épaule, procurent à l’ensemble un naturel et une présence inoubliables. Autant La Frileuse est ramassée sur elle-même, les mains croisées sur la poitrine, les jambes fléchies, le visage dissimulé dans l’ombre du grand châle, autant la figure de L’Été, comme il sied à cette saison heureuse, se déploie dans l’espace, chargée avec aisance de ses attributs, et regarde avec confiance vers l’extérieur