Acheté en 1853 par Alfred Bruyas, ce tableau apparaît dans le catalogue de sa collection l’année suivante, sous le titre « Paris, brouillard, paysage par M. Corot, 1853 (document d’art précieux) », puis, en 1860, dans le catalogue de l’exposition de Montpellier comme « Effet de brouillard ». Le collectionneur aimait tout particulièrement changer les titres des oeuvres, de façon à les faire coïncider avec ses théories sur l’art. Sans que cela ne puisse être établi avec certitude, le tableau a souvent été reconnu comme étant celui exposé au Salon de 1853 sous le titre Matinée, de sorte qu’il porte aujourd’hui ce titre hybride, fruit de ces diverses relectures. La capacité des peintres à restituer la subtilité des variations atmosphériques était une qualité fortement prisée des amateurs au xixe siècle, et l’époque se caractérise par une exploration presque systématique des différentes heures du jour et, parfois, de la nuit. Corot, qui excellait dans cet art, affectionnait la lumière de l’aube et du crépuscule. Le brouillard, avec sa blancheur lumineuse, s’inscrit parfaitement dans sa palette, souvent froide et claire. Il permet ici de noyer les lointains dans une sorte de mirage, contrastant avec un premier plan où les rayons du soleil réchauffent les voyageurs et impriment déjà fortement leurs ombres sur le sol. L’arbre, silhouette fantomatique à peine esquissée sur la droite, semble s’évanouir dans le contre-jour, et achève de placer la scène tout entière dans une atmosphère de songe, aux premières heures du jour. L’imprécision de la description a autorisé toutes les spéculations sur la localisation du site. Les dômes, qui apparaissent à peine sur l’horizon, sont traditionnellement assimilés à ceux des Invalides, du Panthéon, ou du Val-de-Grâce. Certaines analogies avec le panorama de Rome ont souvent été soulignées, même si Corot peignait d’une tout autre manière en Italie. Il semble que cette hypothèse relève d’une construction téléologique fondée sur l’idée, communément admise aujourd’hui, d’un Corot descripteur du paysage français à travers le prisme de l’Italie. Le site est plus sûrement celui des environs de Villed’Avray, lieu qui a joué un rôle capital dans la vie et l’oeuvre de Corot, où ses parents acquièrent en 1817 une propriété. Camille, qui loge dans une petite chambre mansardée donnant sur deux étangs, y compose ses premiers paysages. Les vues de Villed’Avray apparaissent publiquement au Salon de 1848 et s’imposent graduellement dans son oeuvre, témoignant de l’attachement du peintre pour son pays. Le voyage vers Paris, situé à une quinzaine de kilomètres, la descente vers les méandres de la Seine, que l’on franchit au pont de Sèvres, se voient ici décrits avec à la fois sensibilité et précision, comme seule le permet une connaissance intime du sujet.
Emplacement
- 31 - Galerie BruyasNuméro d'inventaire
868.1.14
Date
1853
Type d'oeuvre
PeintureDimensions
Materiaux
peinture à l'huile
Genre
PaysageThème
- Le climat
- Nature