L’année 1954 est particulièrement intense dans la vie et l’oeuvre de Nicolas de Staël. Non seulement elle précède d’un an à peine son décès par suicide le 16 mars 1955, mais elle semble ouverte à tous les possibles. Les voyages du peintre en Espagne, en Italie, son séjour au Maroc, et sa fin même sur les remparts d’Antibes témoignent de sa fascination pour la lumière du Sud. Sa proximité avec René Char, qui vit à l’Isle-sur-la-Sorgue, explique sans doute l’attrait de Nicolas de Staël pour une terre de Provence dure, écrasée de soleil. Le désir de quitter Paris et de disposer d’un atelier dans le Sud grandit depuis son séjour à Carry-le-Rouet et à Bormes-les-Mimosas en 1952. En juillet 1953, de Staël loue une magnanerie près d’Avignon, à Lagnes, où il passe un mois en famille. De retour d’un voyage en Sicile, il s’y installe seul à l’automne, pour travailler d’après ses notes et carnets. En novembre, il acquiert une maison dans le Lubéron, à Ménerbes, petit village situé en face de Gordes. Le Castelet est une ancienne demeure fortifiée, d’une impressionnante austérité ; de Staël fait peindre les pièces de couleurs vives et s’y installe avec sa famille en décembre. Les premières toiles produites en Provence sont exposées à New York le 8 février 1953 par le marchand Paul Rosenberg. Cette seconde exposition aux États-Unis consacre son succès : toutes les toiles sont vendues. L’hiver particulièrement rude voit le Castelet envahi par la neige en février. De Staël peint des natures mortes et retravaille les paysages de Sicile. Un fils, Gustave, naît en avril ; le choix du prénom n’est pas innocent : de Staël révère Gustave Courbet, qu’il place au plus haut de son panthéon personnel. L’époque semble donc heureuse, porteuse de promesses. Cependant, sa liaison avec Jeanne Mathieu, fille d’un grand exploitant agricole, prend une importance croissante dans sa vie. Son exposition en juin à la galerie Dubourg reçoit un accueil défavorable de la critique parisienne. Une période de doute s’ouvre pour Nicolas de Staël. La série des vues que le peintre réalise à Ménerbes, à Briançon, à Grignan est singulière dans la production de l’année 1954. Alors que s’annonce la manière fine, qui sera la marque de sa dernière période, ces paysages sont travaillés en pâte et demi-pâte, comme ceux peints sur les bords de la Seine en 1952. Les couleurs froides tranchent avec les gammes très hardies des vues d’Agrigente ; elles traduisent avec subtilité l’atmosphère si particulière de cette Provence, loin de la mer, où le soleil écrase les teintes vives. De Staël montre ainsi qu’il a assimilé la leçon de Courbet, qui avant lui s’est confronté à cette lumière, loin des chromos et du bleu azur, au plus près d’une terre blanchie et sèche. Un réalisme assumé dès 1950, en pleine vague abstraite, avec des propos qui semblent empruntés à Courbet : « Je n’objecte rien à ce qui me tombe sous les yeux. Je ne peins pas avant de voir. Je ne cherche rien que la peinture “visible” par tout le monde. »
Emplacement
- 43 - L'école de ParisNuméro d'inventaire
84.2.1
Date
1954
Type d'oeuvre
PeintureDimensions
Materiaux
peinture à l'huile
Genre
PaysageThème
- Abstraction
- Les couleurs