Nature morte portugaise

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Nature morte portugaise
DELAUNAY Robert
(Paris, 1885 - Montpellier, 1941)

Robert et Sonia Delaunay se trouvent en vacances en Espagne lorsque la Première Guerre mondiale éclate. Robert, réformé depuis 1908, sait qu’il ne sera pas mobilisé ; le couple prend la décision de rester en exil. D’abord domiciliés à Madrid, ils s’installent au Portugal en 1915, où ils retrouvent le groupe Orfeu dont le meneur, Amedeo de Souza- Cardoso (1887-1918), rencontré à Paris en 1913, est un fervent admirateur de leur peinture. Ils ne rentreront à Paris qu’en 1920, au terme d’une période très créative encore mal appréciée. On a souvent parlé d’un « retour à l’ordre » chez les Delaunay, en quelque sorte assoupis par la torpeur du petit village de Vila do Conde, dans la vallée du Minho. Il n’en est rien. C’est moins le pittoresque de la vie quotidienne au Portugal qui intéresse le couple que son potentiel lumineux, coloré, véritable réservoir de sensations visuelles. Quand Robert décrit le savoureux spectacle des marchés, il note « des contrastes violents de taches colorées, des vêtements de femmes, des châles éclatants avec des verts savoureux et métalliques, des pastèques. Des formes, des couleurs… ». Pour Sonia, « au Portugal plus qu’ailleurs, il nous était donné de partir du réel pour aboutir naturellement à l’abstrait, aux éléments essentiels, aux formes circulaires dont la ligne ne brise pas le rythme de la couleur ». Dans la grande maison qu’ils partagent avec deux amis peintres, le Portugais Eduardo Vianna (1881-1967) et l’Américain Samuel Halpert (1884-1930), une véritable communauté « simultanéiste » s’est formée qui électrise les milieux artistiques portugais. La Nature morte portugaise se rattache à un cycle de tableaux où Sonia et Robert Delaunay se répondent, peignent parfois à deux mains, expérimentent de nouvelles techniques, comme la cire chaude dont on remarque par endroit les brillances. Au revers de la toile, une autre composition, partiellement recouverte par la préparation blanche de l’avers, montre un personnage féminin apprêtant une table. Si la scène peut paraître bien éloignée de la vie moderne, thème favori du peintre, il convient de rappeler que les époux Delaunay entreprennent alors d’étendre leurs théories artistiques à la vie en général. Un regard curieux remarquera la robe, posée au premier plan à droite, création simultanéiste de Sonia. Les couleurs vives du vase, à gauche, rappellent que les Delaunay s’entourent de poteries artisanales repeintes aux couleurs de l’art moderne. Au regard d’une lettre de Sonia Delaunay, citée par Pascal Rousseau, ces indices permettent de lire la Nature morte comme un élément d’un projet d’art total. L’artiste propose au galeriste barcelonais Josep Dalmau « une exposition spectacle » mettant en scène ce quotidien revisité, où l’on trouverait « une table de salle à manger mise avec un arrangement tout à fait nouveau et inattendu, d’autres compositions d’objets d’intérieur qu’on peut intituler l’art de la femme chez elle et qui intéresse beaucoup le public ».

Emplacement

- 42 - Salle des modernes

Numéro d'inventaire

48.16.1

Date

1915

Type d'oeuvre

Peinture

Dimensions

sans cadre : L. 107.50 cm x H. 85.50 cm x E. 2.50 cm
avec cadre : L. 127.50 cm x H. 106.00 cm x E. 6.00

Materiaux

détrempe

Genre

Nature morte

Thème

  • Alimentation
  • Les couleurs