Avant de devenir le célèbre dramaturge et poète du mouvement dada, Georges Ribemont-Dessaignes fut brièvement et talentueusement peintre. De 1903 à 1917, il brûla toutes les étapes, passant d’une esthétique proche des nabis au divisionnisme, puis au cubisme de la Section d’or, avant de produire une série de tableaux mécanistes, et de perdre le goût de peindre. Cet itinéraire, qui rappelle celui de Marcel Duchamp, marque d’abord un rejet : celui d’une peinture officielle, incarnée par Jean- Paul Laurens (1838-1921), dans l’atelier duquel son père avait tenu à ce qu’il s’inscrive. Il dénote aussi l’essoufflement d’une technique, la peinture, qui de rupture en rupture, peine à suivre la brusque accélération des idées, que seul le langage a su accompagner. Le retour à l’ordre de l’immédiat aprèsguerre ne pouvait satisfaire les esprits exigeants, et le très révolté Ribemont-Dessaignes n’était l’homme ni du retour ni de l’ordre. Dès ses premiers essais en peinture, Ribemont- Dessaignes montre un intérêt pour les thèmes maritimes et lacustres, les effets luministes, le jeu graphique des arbres qui rythment ses compositions de leurs fûts rectilignes, aussi sûrement que des barres de mesure. Paysage lacustre peut se lire comme une partition mélancolique, et parle autant à l’ouïe qu’à la vue ; dans un mouvement diagonal régulier, les branches basses des sapins semblent se poser telles des notes sur une portée, plaquant des accords plus ou moins sonores. D’un tronc à l’autre passent de véritables plages de silence, et l’alliance des gammes colorées de vert et de violet, la scansion des lignes, la répétition de la touche restituent l’atmosphère apaisée d’un jour finissant. Depuis le fameux poème de Charles Baudelaire Correspondances, l’époque tout entière est marquée par la volonté de lever les barrières entre les arts et de réunifier l’homme avec le cosmos : « La nature est un temple où de vibrants piliers / Laissent parfois sortir de confuses paroles ;/ L’homme y passe à travers des forêts de symboles / Qui l’observent avec des regards familiers. / Comme de longs échos qui de loin se confondent / Vaste comme la nuit et comme la clarté, / Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. » L’homme, absent du tableau, est en réalité partout : il est celui pour qui existe le spectacle de la nature, il en est le découvreur. Et pour comprendre cette cohorte de sapins, il faut se reporter aux illustrations parues en 1968 dans le recueil de Jacques Prévert, Arbres. Ribemont-Dessaignes, qui n’a jamais cessé de dessiner, détaille écorce, noeuds, racines, comme autant de détails anatomiques, manifestant de façon évidente leur caractère anthropomorphique. Des sapins du Paysage lacustre de 1906 aux oliviers de Saint-Jeannet où il s’est retiré, les arbres apparaissent comme les fidèles compagnons de l’artiste, parcourant tout son oeuvre, spectateurs privilégiés de ses métamorphoses
Emplacement
- 40 - Salle CastelnauNuméro d'inventaire
2000.6.1
Date
1906
Type d'oeuvre
PeintureDimensions
Materiaux
peinture à l'huile
Genre
PaysageThème
- Eau
- Les couleurs
- Nature