Enfant, Pierre Soulages a la révélation de son inclination pour les arts lors d’une visite scolaire à l’abbaye de Conques, celle-là même dont il devait, un demi-siècle plus tard, réaliser les vitraux. Admis en 1938 à l’École des beaux-arts de Paris, il la quitte aussitôt du fait de son « conservatisme avancé », et prépare en 1941 le professorat de dessin à l’école des beaux-arts de Montpellier, où il rencontre son épouse, Colette Llaurens. Il noue une relation particulière avec la ville, fréquente assidûment le musée Fabre et ses Zurbarán, Campaña, Poussin, Courbet, devient, sous une fausse identité, régisseur de domaines viticoles de 1942 à 1945, et se lie d’amitié avec l’écrivain Joseph Delteil (1894-1978). Installé à Paris en 1946, il réalise ses premières toiles abstraites, où des plages de couleurs rompues de larges barres noires rectilignes, de fines clartés, mettent en place un système qui donne à voir en même temps espace, forme, lumière, dans un format investi jusqu’à ses limites. Sur les conseils du peintre Francis Bott (1904-1998), il participe au Salon des surindépendants en octobre 1947 et attire l’attention de Francis Picabia et de Hans Hartung. Soulages rompt cette année-là avec la peinture traditionnelle pour adopter les outils des peintres en bâtiment : « C’est un matériel qui implique d’autres matières, d’autres gestes que ceux de la peinture traditionnelle. […] J’ai eu envie de me servir de grandes jarres de peinture […] j’ai choisi le brou de noix. » Ce choix de revenir à des techniques artisanales, sinon « primitives », dit la volonté du peintre de rejeter toute affectation, de construire une pratique qui lui est propre et qu’il contrôle totalement. Fin 1948, James Johnson Sweeney, conservateur au Museum of Modern Art à New York, lui rend visite, tandis que Pierre-André Farcy fait entrer la première oeuvre du peintre dans une collection publique française (musée de Grenoble) ; la galerie Lydia Conti organise sa première exposition personnelle à Paris en 1949, suivie par la galerie Louis Carré. Grâce à l’acuité de ces connaisseurs, la peinture de Pierre Soulages est présente dans le monde entier dès le milieu des années 1950 et occupe une place prépondérante sur la scène française. Peinture 162 × 114 cm fait partie d’un ensemble de toiles montré lors de la première exposition personnelle de Soulages à la galerie de France en 1960, qui connaît un très grand retentissement. La peinture est également exposée au musée Fabre, lors d’une importante exposition itinérante en 1975. La technique mise en oeuvre va jusqu’au bout d’une recherche sur la lumière, obtenue par transparence : le peintre procède par enlèvement de matière pour révéler à la fois une couche bleue sous-jacente et le blanc de la préparation. De cette manière, comme l’a souligné Pierre Encrevé, « la matière, la couleur et la forme deviennent inséparables ». L’équilibre parfait de la toile, calée tel un effondrement rocheux entre deux parois, appartient à ces « hapax » recherchés par le peintre, c’est-à- dire, littéralement, une forme qu’on ne rencontre qu’une fois dans un corpus
Emplacement
- 46 - Collection SoulagesNuméro d'inventaire
2005.12.2
Date
1959
Type d'oeuvre
PeintureDimensions
Materiaux
peinture à l'huile
Thème
- Abstraction