C’est très peu de temps après l’achat par Bruyas des Baigneuses et de La Fileuse endormie au Salon de 1853 que Courbet réalise ce premier portrait de celui qui va devenir son principal mécène : le 13 mai, le peintre rapporte à ses parents qu’une offre de 2 000 francs a été faite pour La Fileuse ; le 18 juin, un message à Alfred Bruyas nous révèle que les séances de pose ont commencé. L’image que Courbet va produire du jeune collectionneur est bien différente de celles que ses prédécesseurs ont laissées. Le dandy, le flamboyant, l’introverti, le maladif a fait place à un homme dans la force de l’âge, fermement campé dans ses certitudes, décidé à mener son combat. L’acquisition des tableaux scandaleux de Courbet a changé le jeune homme ; dans ses écrits, le mot « sérieux » revient avec insistance. Le moment est venu où les principes se traduisent en actes. Le poing gauche fermement appuyé nous désigne un gros volume à la couverture cartonnée portant le titre Étude sur l’art moderne – Solution. Fait rarissime pour un particulier, Bruyas publie chaque année depuis 1851 un catalogue de sa collection dont le volume et l’ambition ne cessent d’augmenter. Il ne s’agit plus désormais de dresser la liste des tableaux composant sa galerie, mais d’exprimer une vision – parfois confuse – sur les fins et les moyens de l’art de son temps, comme sur sa destination sociale et politique. Le mot « solution » n’est pas neuf ; emprunté au vocabulaire fouriériste, il désigne la réponse à apporter à la question sociale, interrogation qui préoccupe tout réformateur en ces temps d’utopie. En 1852, Bruyas associe au terme « solution » la peinture misérabiliste d’un Tassaert ; en 1853, la solution suppose une sincérité de la vision, fondée sur l’étude du réel, comme chez Corot, Troyon, et Couture. En 1854, pour le collectionneur, le champion a changé : le mot solution est appliqué aux Baigneuses de Courbet et le nouveau portrait de Bruyas, titré Tableau-Solution, est dédié au progrès. La « cordée » Bruyas-Courbet est désormais formée. Grâce à l’argent de Bruyas, le peintre, délivré du souci du quotidien, de son cortège de compromissions, peut avancer dans la voie d’un art libre ; grâce au talent de Courbet, le mécène, ayant trouvé un héraut à la mesure de ses ambitions, peut soutenir un art vrai, et rétablir la concorde et la paix. Faut-il imaginer qu’en quelques semaines à peine les deux hommes aient acquis la complicité intellectuelle que suppose le Tableau-Solution ? Bruyas manifestait un intérêt certain pour Courbet depuis 1852, année où une Tête d’étude (non identifiée) apparaît dans sa collection. Nous pouvons supposer que ces premiers contacts ont pu précéder l’exécution du tableau, qui apparaît comme un pacte, scellé en juin 1853 pour faire triompher une vision réconciliée de l’art et de la société
Emplacement
- 37 - Salle CourbetNuméro d'inventaire
868.1.21
Date
1853
Type d'oeuvre
PeintureDimensions
Materiaux
peinture à l'huile
Genre
PortraitThème
- Collection, collectionner