Claude Monet et Frédéric Bazille se rencontrent dans l’atelier de Charles Gleyre (1806-1874) en 1862. La libéralité de ce peintre suisse, qui permet à ses élèves une licence ignorée dans les ateliers académiques, le faible montant des cotisations et la perspective de trouver des modèles par ailleurs fort coûteux attirent ces jeunes artistes provinciaux : le peintre Émile Laporte (1841-1919) en a laissé un témoignage savoureux dans ses Quarante-trois portraits de l’atelier Gleyre (Paris, Petit Palais). Avec Auguste Renoir et Alfred Sisley, également élèves de Gleyre, Monet et Bazille forment bientôt un petit groupe, soudé autant par les refus essuyés au Salon que par une commune conception de la peinture, privilégiant une facture de plus en plus hardie. Durant ces années pré-impressionnistes, les allers-retours entre les oeuvres de ces jeunes peintres sont nombreux, ce dont témoigne une série de portraits réciproques, Frédéric Bazille peignant Le héron, de Renoir (musée Fabre, dépôt du musée d’Orsay) ou Pierre Auguste Renoir par Bazille (ibid.). Ces jeux s’expliquent autant par la rareté des modèles que par une tradition picturale pratiquée en tout temps et en tout lieu, comme chez les pensionnaires de la très académique villa Médicis. La relation qui s’établit entre Monet et Bazille semble être la plus forte du groupe. Plus à l’aise que ses amis, Bazille héberge Monet et Renoir dans ses ateliers successifs. Pour venir en aide à Monet, il tente de se faire courtier et de placer ses peintures auprès des collectionneurs de son entourage, tel Alfred Bruyas. Il va même jusqu’à lui acheter Femmes au jardin (Paris, musée d’Orsay) en économisant sur la pension que lui alloue son père. Deux portraits témoignent de cette proximité : L’Ambulance improvisée (Paris, musée d’Orsay), où Bazille nous montre Monet alité après un accident à Chailly, tableau exceptionnel alliant un réalisme soigné et une touche très libre ; cette oeuvre suit d’une année le Portrait de Bazille à la ferme Saint- Siméon, qui a longtemps passé pour un autoportrait réalisé à Lattes, dans la ferme familiale de Saint-Sauveur. Les recherches récentes ont rendu à Monet ce beau tableau, et l’ont daté du mois de juillet 1864 lorsque, logés à Honfleur, Monet et Bazille travaillent et déjeunent à la ferme Saint-Siméon, haut lieu de la peinture qui accueille depuis la fin des années 1850 les meilleurs peintres de paysage, Camille Corot, Charles François Daubigny, Narcisse Virgilio Diaz, Eugène Boudin, Johan Barthold Jongkind…, en villégiature sur la côte normande. Les deux oeuvres semblent liées par une conception commune : l’aisance du pinceau, le clair-obscur appuyé, la pose intériorisée déjouent les artifices et les codes du portrait pour mieux pénétrer dans un univers intime où s’expriment avec pudeur le doute et la mélancolie. L’année suivante, Bazille posera encore pour Monet : dans Le Déjeuner sur l’herbe (Paris, musée d’Orsay), il apparaît à deux reprises en redingote et chapeau melon, dans un contexte social fort différent de la proximité manifeste de ces deux portraits.
Emplacement
- 39 - Salle BazilleNuméro d'inventaire
45.8.1
Date
1864
Type d'oeuvre
PeintureDimensions
Materiaux
peinture à l'huile
Genre
PortraitThème
- L'artiste