Portrait de Louise de Stolberg, comtesse d'Albany (1752-1824)

Ces deux petits portraits nous permettent d’évoquer deux personnalités centrales de la vie de Fabre, et par voie de conséquence du musée qui porte son nom. C’est peu après son installation à Florence, au printemps 1793, que le peintre fit la connaissance du poète Vittorio Alfieri et de sa compagne. Aristocrate piémontais de mère française, Alfieri s’était converti à la littérature après une vie aventureuse. En 1776, à Florence, il rencontra Louise de Stolberg, alors mariée à Charles Edouard Stuart, comte d’Albany (1720-1788), prétendant au trône d’Angleterre connu sous le surnom de Bonnie Prince Charlie. Ayant fui Paris à la chute de la monarchie, la comtesse et le poète s’installent en Toscane et se font remarquer par leurs prétentions littéraires et mondaines. Fabre les représente une première fois en 1793 dans deux portraits davidiens empreints de noblesse et de grandeur classiques (Florence, musée des Offices). Tout à l’opposé, nos deux effigies montrent les deux illustres modèles avec simplicité et une réelle empathie. Fabre voue un culte à Alfieri qui l’honore de son amitié ; il le représente de trois quarts, le visage finement détaché sur le fond uni de la toile ; l’expression est digne, un rien mélancolique avec son regard bleu, scrutateur, et la chevelure argentée d’un homme vieillissant. Seule une note de rouge franc vient, avec justesse, égayer l’ensemble. Par contraste, le portrait de la comtesse apparaît plus vivant et spontané : elle semble se tourner par surprise vers le spectateur, les lèvres légèrement entrouvertes, la main droite tenant un porte-mine esquisse les traits de Fabre lui-même, son professeur de dessin. L’expression est douce, ingénue. La lumière venant de la gauche fait scintiller les étoffes rendues avec un soin extrême : châle bleu lilas bordé de bleu canard et d’orangé, capote jaune ornée de beaux rubans vert bronze. Fabre fera à d’autres reprises les portraits de ses amis (Asti, Montpellier) dont il héritera pour partie des collections qui font aujourd’hui tout l’attrait et la singularité du musée de Montpellier.