Portrait du peintre Guillaume Joseph Coclers Van Wyck (1760-?)

Fuyant Rome en 1793, Gauffier retrouve à Florence de nombreux compatriotes, comme Boguet (1755- 1839), Gagneraux (1756-1795) et Fabre (1766-1837) qui devient son ami. Il se spécialise alors dans le portrait aristocratique d’une riche clientèle de Russes ou d’Anglais, de passage en Toscane. Le portrait du musée Fabre est l’un des plus beaux exemples conservés de cette veine mondaine. On sait peu de choses sur Guillaume Joseph Coclers Van Wyck, originaire de Liège et frère de Philippe Henri, directeur de l’Académie de peinture de Marseille de 1785 à 1793. Le modèle à l’allure élégante et spirituelle se détache en un « contre-jour hardi » sur un paysage toscan baigné dans une forte lumière. La tenue est soignée : veste bleu-vert, gilet blanc, culotte de nankin, et les attributs du peintre sont clairement mis en évidence (stylet dans la main droite, carton à dessin appuyé contre le parapet de la terrasse). Malgré la sobriété de la mise en page, la rigueur géométrique, la recherche de vérité héritée de l’école de David, le portrait se distingue aussi par ses innovations qui sont la marque essentielle de Gauffier. Il s’écarte des modèles héroïques et de l’échelle monumentale du maître, pour s’en tenir à un canon plus menu des figures, à une recherche de naturel, d’élégance, et d’un certain « art de vivre » aristocratique. Le parapet régulièrement appareillé et le pilastre rappellent l’antique mais sans lourdeur. Gauffier aime au contraire les formes fluides, dansantes presque, les beaux détails naturalistes qui apportent tout leur charme à la composition, comme ici la guirlande de vigne et de liseron à gauche, ou encore les plantes dans les pots à droite. L’ombre rafraîchissante, la lumière qui glisse sur le doux vallonnement des terrains, le regard tourné vers l’extérieur, l’expression de bonheur composent un poème inoubliable à la gloire de la Toscane qui abrita durant les dernières années du xviiie siècle un foyer artistique annonçant à bien des égards toute la modernité de l’époque suivante