Pyrrhus apercevant Philoctète dans son antre, à l'île de Lemnos

Figure décisive du renouvellement de l’art du paysage au tournant du xviiie et du xixe siècle, Pierre Henri de Valenciennes était absent des collections du musée Fabre, pourtant très riches en paysages néoclassiques français et internationaux. La récente acquisition de ce tableau illustrant un épisode de l’histoire de Philoctète vient compléter les desseins de Fabre, fondateur du musée et grand admirateur de Valenciennes. L’artiste enseigne la perspective à l’École polytechnique à partir de 1796, puis à l’École des beaux-arts en 1812, et publie en 1799 ses Éléments de perspective pratiques à l’usage des artistes, qui contribuèrent à fonder l’art du paysage sur des principes quasi scientifiques. La noblesse du genre est reconnue en 1816 avec la création d’un grand prix du Paysage historique, pour laquelle Valenciennes milita et dont son élève Michallon remporta la première édition. Cette oeuvre de théoricien et de pédagogue est le couronnement d’une carrière tout entière dédiée au paysage, entreprise lors de séjours en Italie et au Proche-Orient de 1769 à 1784. Après une première participation au Salon en 1787, Valenciennes présente notre tableau à l’exposition de 1789. Philoctète, ami d’Hercule, avait reçu du héros son arc et ses flèches magiques. Maudit par les dieux, il se blesse au pied lors du départ de l’armée grecque pour la guerre de Troie. Ses compagnons, terrorisés par cette malédiction et par l’odeur émanant de la blessure, l’abandonnent sur l’île de Lemnos. Dix ans plus tard, Ulysse et Pyrrhus, le fils d’Achille, sont envoyés sur l’île, après qu’un oracle a annoncé que les armes d’Hercule seront nécessaires pour gagner la guerre. Les deux héros, à gauche, s’apprêtent à retrouver leur ancien compagnon trahi, abrité dans une grotte à droite du tableau. Le peintre, fidèle à la leçon de Poussin, « voit la nature en poète », comme le note un commentateur du Salon, et mêle la narration du drame à la construction du paysage, traité sur un mode noble et majestueux (les rochers altiers), exotique (le palmier, l’azur de la mer) et inquiétant (la grotte, les nuages).