Ruth et Booz

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Ruth et Booz
BAZILLE Frédéric
(Montpellier, 1841 - Beaune-la-Rolande, 1870)

Ce tableau de grand format constitue le testament artistique du peintre. Dans la solitude de son dernier été montpelliérain, Frédéric Bazille poursuit plusieurs oeuvres comme il l’écrit à son ami Edmond Maître le 2 août 1870 : « J’ai fini à peu près un grand paysage (églogue), une étude de jeune homme nu, Ruth et Booz sont à moitié en chemin. » Pour la première fois l’artiste, pétri de culture protestante, s’empare d’un thème tiré de l’Ancien Testament déjà traité avant lui, notamment par Nicolas Poussin (cycle des Saisons, musée du Louvre). Au xixe siècle, plusieurs artistes reviennent sur le sujet : Jean-François Millet, dans son Repos des Moissonneurs (1853, Boston, Museum of Fine Arts) initialement intitulé Ruth et Booz ; Pierre Puvis de Chavannes, avec l’immense toile Le Sommeil du Salon de 1867 (Lille, palais des Beaux-Arts) ; enfin, Alexandre Cabanel dans une composition exécutée vers 1868, malheureusement perdue mais connue par une réduction au musée Fabre. Comme son compatriote Cabanel, Bazille fait référence au poème de Victor Hugo, publié en 1859 dans La Légende des siècles : « Donc, Booz dans la nuit dormait parmi les siens ; Près des meules, qu’on eût prises pour des décombres. […] Ruth songeait et Booz dormait ; l’herbe était noire ». Bazille suit fidèlement les vers du poète, qu’il admire, et peint un Booz endormi, appuyé sur son bras gauche, avec à ses côtés Ruth, allongée, la tête relevée en direction de la « faucille d’or dans le champ des étoiles ». Sur la gauche, au second plan, apparaissent quatre meules de foin, tandis qu’à droite se dressent un beau cèdre bleu et quelques pins parasols, à l’évidence inspirés par le paysage de Méric. Pour mener à bien ce sujet inédit dans son parcours, Bazille a multiplié les études d’ensemble et de figures isolées d’après le modèle, et a emprunté à Puvis de Chavannes les traits généraux de la composition en largeur, de même que l’impression de calme grandeur qui émane de la toile. L’espace du tableau demeure largement ouvert, le regard circule avec aisance entre les foins. C’est de l’intérieur, à partir du poids physique des personnages, que naissent la méditation et la rêverie. L’enveloppe de bleu profond, les formes comme pétrifiées, le paysage résiduel favorisent la communion intime des figures avec la nuit. On n’a pas manqué de s’interroger sur les orientations nouvelles de Bazille, associé étroitement jusque-là aux recherches des adeptes de la Nouvelle Peinture d’Édouard Manet. En fait, malgré son sujet d’histoire, le tableau s’inscrit dans la continuité de l’oeuvre par sa franchise de ton, son humanité, sa facture à la fois économe et souple, et par sa poésie pleine de pudeur et de sensualité mêlées. En 2015, une radiographie de la toile a révélé la composition sous-jacente de la Jeune fille au piano, refusée au Salon de 1866, et jusqu’alors réputée disparue.

Emplacement

- 39 - Salle Bazille

Numéro d'inventaire

2004.13.1

Date

1870

Type d'oeuvre

Peinture

Dimensions

sans cadre : L. 202.80 cm x H. 137.50 cm x E. 4.00
avec cadre : L. 228.00 x H. 162.30 cm x E. 9.00

Materiaux

peinture à l'huile

Genre

Histoire

Thème

  • Iconographie religieuse
  • Nature