Saint Laurent

L’Allemand Elsheimer, installé à Rome en 1600, aura une influence importante sur les artistes italiens et nordiques. Peintre d’histoire dont les petites figures sont d’une remarquable efficacité narrative, paysagiste d’une grande sensibilité aux effets lumineux et atmosphériques, il se cantonne aux formats réduits peints sur cuivre. Néanmoins, il sait leur conférer une grande force monumentale dont est exemplaire le tableau du musée Fabre, seule oeuvre d’Elsheimer des musées français. Ce tableau appartient à une série de dix petits cuivres de mêmes dimensions représentant une ou deux figures saintes dans un paysage : huit sont conservés dans la collection Egremont (Petworth House, National Trust : Saint Jean Baptiste ; Saint Jean l’Évangéliste ; Saint Pierre ; Saint Paul ; Saint Thomas d’Aquin ; Tobie et l’Ange ; Sainte Anne et la Vierge ; Saint Joseph et le Christ) ; un Abraham et Isaac n’est plus connu que par la copie qu’en a faite Cornelis van Poelenburch entre 1617 et 1625 (Florence, palais Pitti). Ces peintures ornaient soit un retable de petite taille comme celui de L’Exaltation de la Vraie Croix (Francfort, Städelsches Kunstinstitut), soit un cabinet comme celui appartenant au vicomte de Lisle et Dudley (Penshurst). Peint peu après L’Exaltation de la Vraie Croix (1603- 1605) et achevé en 1605, cet ensemble – et plus particulièrement le Saint Laurent – constitue une étape importante dans l’évolution du paysage chez Elsheimer. En effet, au-delà de la figure isolée au premier plan, monumentale et effleurée par la lumière, un paysage d’une grande ampleur se déploie, très ouvert, sans les traditionnelles coulisses latérales. Le ciel se fond dans l’horizon sans que l’impression d’immensité en soit altérée. La touche miniaturiste suggère aussi bien les reliefs, l’atmosphère, la lumière changeante sur les arbres, les silhouettes d’un voyageur et de son âne que la richesse de la dalmatique du saint sur laquelle Elsheimer a représenté le Christ portant la Croix.