Saint Paul guérissant les malades et délivrant un possédé

L’acquisition de cette toile de Le Sueur, artiste de tout premier plan du XVIIe siècle français, est un ajout majeur à la collection du musée. Aux côtés de Laurent de La Hyre et de Philippe de Champaigne (1602-1674), Le Sueur contribue dans les années 1640-1650 à définir un courant alternatif à l’emphase italianisante de Simon Vouet, qualifié par les historiens « d’atticisme parisien ». Ce mouvement puise dans les modèles de l’Antiquité et de Raphaël, pour définir un art dépouillé, fait de rigueur et de majesté. Formé dans l’atelier de Vouet, Le Sueur débute une carrière indépendante en 1640. À l’hiver 1645-1646, il est reconnu maître par la corporation des peintres de Paris, et présente ce tableau pour sa réception, en complète rupture avec la grâce sinueuse de son maître. Tiré des Actes des Apôtres, le tableau représente saint Paul, à gauche, en train d’exorciser un possédé, de guérir un aveugle et de ressusciter un nourrisson sous les yeux d’un magistrat romain, peut-être l’empereur Néron lui-même. Le tableau s’inspire des cartons des Actes des Apôtres de Raphaël (1515-1516, Londres, Victoria and Albert Museum), peints pour servir de modèles aux tapisseries de la chapelle Sixtine. La composition, délibérément sévère, se fonde sur les orthogonales de l’architecture et met en scène des figures solidement campées. Les gestes et les expressions sont très prononcés et illustrent la dimension avant tout narrative que Le Sueur donne à sa toile. Ce style se retrouve à la même époque dans le cycle de la Vie de saint Bruno, peint pour la chartreuse de Paris (aujourd’hui au musée du Louvre). Quelques années plus tard, en 1648, Le Sueur sera l’un des douze fondateurs de l’Académie royale de peinture et de sculpture. Notre tableau, quant à lui, fut vendu lors de la dissolution de la corporation en 1776. Saisi à la Révolution, il rejoindra par la suite la prestigieuse collection de Lucien Bonaparte.