Né à Kiel en Allemagne, Lehmann arrive à Paris en 1831 pour se former à la peinture. Il rejoint l’atelier d’Ingres (1780-1867) et devient un de ses plus brillants élèves. Ne pouvant concourir au prix de Rome du fait de sa nationalité étrangère, il se rend dans la Ville éternelle par ses propres moyens en 1838. L’artiste y devient le familier de Franz Liszt (1811- 1886) et de Marie d’Agoult (1805-1876), ainsi que de la cantatrice Caroline Ungher (1803-1877) et de son compagnon, l’intellectuel montpelliérain François Sabatier (1818-1891). C’est ce dernier, amateur de l’art de Papety comme des primitifs flamands, qui fit l’acquisition de ce tableau peint en 1839. Lehmann s’inspire du récit médiéval de la mort de sainte Catherine d’Alexandrie, rapporté dans la Légende dorée de Jacques de Voragine (vers 1228- 1298), mêlant hagiographie et merveilleux. Fille d’une noble famille d’Alexandrie, Catherine est persécutée sous l’empereur Maximin II, au iiie siècle. Elle est d’abord torturée dans une machine à roues dentées, qui est détruite par les anges. La sainte est ensuite décapitée, et, selon le récit, « on vit que les anges enlevèrent son corps de terre et le portèrent à travers l’air jusqu’au mont Sinaï, où ils l’ensevelirent ». Cet extrait est rapporté par Lehmann dans le livret du Salon de 1840 où le tableau fut présenté au public. Cette longue et élégante frise d’anges, aux draperies linéaires, portant le corps de la sainte dans un linceul souligne bien la dette de Lehmann à l’égard du classicisme d’Ingres. Cependant, l’artiste cherche une simplicité, un primitivisme, un archaïsme plus fort que son maître, notamment dans les visages des anges ou dans le coloris féerique et merveilleux, qui révèlent sa proximité avec la colonie des Nazaréens, groupe de peintres allemands qu’il fréquente à Rome. Ainsi, Lehmann a sans doute vu la Sainte Catherine portée par les anges peinte en 1836 par Heinrich Mücke (1806-1891) (Berlin, Alte Nationalgalerie) et a peut-être inspiré celle de Karl von Blaas (1815-1894) (Cambridge, Harvard Art Museums), présent à Rome en même temps que lui. L’inspiration décisive reste cependant la peinture médiévale comme celle du quattrocento italien, comme Théophile Gautier le souligne lors du Salon de 1840, au sujet de ce tableau « qui nous ramène tout droit aux enluminures des peintres grecs ou byzantins », et qui avoue sa dette envers l’art « du Fiesole, du Pinturiccio, du Giotto et de Cimabué ». Il est possible que la fresque sur le même sujet peinte par Bernardino Luini (1480-1532) vers 1513-1514 (Milan, Pinacothèque de Brera) ait directement influencé Lehmann. Ce tableau, à la « candide splendeur », pour reprendre l’expression de Liszt, s’inscrit dans le vaste mouvement de renouveau de la peinture religieuse au coeur du xixe siècle, soucieux de retrouver la solennité archaïque des artistes du Moyen Âge et des primitifs.
Emplacement
- 33 - Ingres et l'ecole des Beaux ArtsNuméro d'inventaire
892.4.8
Date
1839
Type d'oeuvre
PeintureDimensions
Materiaux
peinture à l'huile
Genre
HistoireThème
- Iconographie religieuse