Quatorze oeuvres de Pierrette Bloch sont entrées dans les collections du musée Fabre en 2019. Intimement lié aux moments de bascule de la carrière de l’artiste, l’ensemble couvre sept décennies de création, des croquis de mimes de 1948 jusqu’aux pastels à l’huile sur fond noir des dernières années. D’origine juive, Bloch revient à Paris après la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle elle s’est réfugiée en Suisse, à la Chaux-de-Fonds, puis à Lausanne. De retour dans sa ville natale, alors élève dans l’atelier d’André Lhote après avoir étudié auprès de Jean Souverbie, elle s’intéresse à la gestualité des corps qu’elle observe lors des cours de mime auxquels participe son ami Alvin Epstein, rencontré en 1948. En 1949, elle fait la connaissance, par l’intermédiaire d’Henri Goetz – dans l’atelier duquel elle passe brièvement –, de Pierre Soulages, avec lequel elle se lie d’amitié. Deux ans plus tard, elle est marquée par son premier séjour aux États- Unis, où elle visite le Museum of Modern Art à New York et expose des peintures à l’huile à Cambridge, à l’Art Association de l’université de Harvard, puis à la Hacker Gallery à New York. La démarche créative de l’artiste parisienne se conçoit comme une lutte discrète, sans cesse recommencée : l’oeuvre de Bloch, à l’image de sa vie, est la résistance d’un travail « silencieux et pudique fait de trois fois rien », selon les mots de Michel Parmentier. Bloch compose avec l’impuissance de tout discours, et sa quête « acharnée » n’en demeure pas moins ludique, élaborée à partir du divertissement, de la tentation d’un nouveau matériau auquel elle s’adonne comme à un jeu, source d’inépuisables découvertes à l’intérieur même d’un dépouillement exacerbé. À partir de l’année 1971, après s’être principalement illustrée dans l’art du collage, Bloch se consacre plus spécifiquement au travail à l’encre de Chine sur papier. Elle développe alors une pratique sérielle en s’inspirant des modules de la peinture minimaliste américaine contemporaine – elle a fait un second séjour à New York en 1968 et a découvert West Broadway –, mais aussi à partir de la musique répétitive de Philip Glass ou de Steve Reich. L’occupation de l’espace, par répétition de motifs irréguliers, imparfaits, rythme alors ses oeuvres qui affirment l’individualité du geste, appliqué sur le support disposé à l’horizontale. Son vocabulaire plastique, fait de points, de lignes droites et ondulées, tracées en longueur ou en largeur, évoque une écriture sans énoncé ni récit. L’année 1994 signe l’acte de naissance des premières lignes sur papier, et de quelques lignes sur toiles, rares, dont fait partie le Sans titre de la collection du musée Fabre exécuté cette année-là. La forme même du matériau y accompagne la linéarité du tracé. L’artiste a toujours porté un intérêt au travail de la ligne, à cet art du contour et des sinuosités, attrait qui transparaît lorsqu’elle observe des peintres qu’elle affectionne : de la ligne tourmentée et brisée de Greco et de Francisco de Goya, à la ligne pure de Nicolas Poussin, de Jean Auguste Dominique Ingres ou de Piet Mondrian. « J’aime les outils qui font des lignes », écrit-elle. « Je les connais, je les fréquente, les lignes, sans conclusion, sans fin, leurs retours, leurs accidents, leur apparente vitesse, leur durée tenace, leur persistance, leur urgence. » Ce format inhabituel ne se laisse pas saisir d’un seul regard, mais se parcourt. Au cours des années 1990, Bloch imagine également des « dessins » de crin, en réalité davantage des sculptures de crin, qu’elle boucle autour d’un support en carton mousse, comme notre oeuvre Sans titre de 1992. Telle une écriture, le crin est dessiné par boucles et jambages, de manière linéaire. Il s’agit d’un travail sur le vide et l’invisible, où l’ombre du fil tient une place primordiale. Ces « dessins » de crin, qui font suite au développement des mailles et des fils, débutent en 1979. L’artiste décrit en ces termes son intérêt pour ce matériau singulier : « Un jour, je passais boulevard Beaumarchais et j’ai vu la vitrine de la maison Le Crin. Ce matériau m’a tentée par sa souplesse, son aptitude à la ligne qui s’en va ; aux noeuds qui viennent et son côté parfois anarchique. » Et elle ajoute : « J’ai choisi le fil de crin pour son côté linéaire, son acuité, son ombre. » Ce dessin fut présenté en 1992 à la galerie de France, accompagné d’un texte de l’artiste Michel Parmentier, présent dans les collections du musée
Emplacement
- 43 - L'école de ParisNuméro d'inventaire
2019.11.4
Date
2008
Type d'oeuvre
PeintureDimensions
Materiaux
fusain_RS_craie grasse
Thème
- Abstraction