Ce chef-d’oeuvre de Fabre, peintre d’histoire, fut réalisé pour la comtesse d’Albany l’année même de la mort du poète Vittorio Alfieri, décédé le 8 octobre 1803. Saül, quatorzième tragédie d’Alfieri (1782), avait été représenté à Florence en 1803, et le poète lui-même avait plusieurs fois, entre 1793 et 1795, interprété le rôle-titre. Fabre présente une illustration littérale du dernier acte de la tragédie, elle-même librement inspirée de l’Ancien Testament (premier livre de Samuel), lorsque le roi criminel est en proie à deux visions terribles : à gauche, le prophète Samuel vient demander des comptes à celui qu’il a désigné comme roi d’Israël et qui s’est détourné de la voie du Seigneur ; à droite, le grand-prêtre Achimelech (qui a soutenu David) exhibe les corps de ses enfants assassinés. Tous deux prédisent à Saül qu’il mourra bientôt de sa propre main, tandis que sa fille Micol, épouse de David, essaie de calmer ses terreurs. La composition en frise des personnages, le recours au paysage, les gestes dramatiques, les visages expressifs, les drapés éloquents témoignent d’une profonde influence de Poussin et de sa fameuse rhétorique des « passions ». La facture extrêmement soignée, voire ciselée jusque dans les moindres détails (vêtements, chevelure, feuillage), renvoie plutôt aux préceptes davidiens dont Fabre se veut l’héritier depuis son « exil » florentin. L’oeuvre communique un sentiment d’effroi et de mystère que vient encore souligner l’ambiance nocturne de la scène (beau ciel crépusculaire à gauche par-delà l’armée de Saül en déroute). Fabre se montre ici un coloriste raffiné en installant au centre du tableau la large tache rouge du manteau de Saül – qui rappelle celui de Néoptolème dans la grande composition exécutée pour lord Bristol en 1800 –, encadrée par les notes plus claires des drapés d’Achimelech et de Samuel, sans oublier les accords recherchés de vert, de mauve, de rouge dans les cadavres des enfants au premier plan. L’onirisme échevelé et déjà romantique montre la place singulière de Fabre au sein de l’école davidienne, quelques années avant Le Déluge de Girodet (1767-1824) présenté au Salon de 1806 (musée du Louvre).
Emplacement
- 22 - Galerie HoudonNuméro d'inventaire
825.1.58
Date
1803
Type d'oeuvre
PeintureDimensions
Materiaux
peinture à l'huile
Genre
HistoireThème
- Iconographie religieuse