Fabre, formé à Rome pour devenir un grand peintre d’histoire, renoue à Florence avec ses premières ambitions après avoir cédé, un peu par facilité mais aussi par nécessité, à une activité de portraitiste mondain. C’est lord Bristol (1730-1803) qui lui commande fin 1799 un ambitieux tableau qui reste à ce jour la plus vaste entreprise de Fabre dans le domaine de la grande peinture davidienne, tableau déposé par le musée du Louvre au musée Fabre en 2007, après sa restauration. Le sujet, très en vogue (Lethière, Salon de 1799), mettait surtout l’accent sur la destinée tragique du héros solitaire. Fabre, à l’exemple de Valenciennes, préfère le moment de la confrontation des héros à la suite du drame de Sophocle, Philoctète. Le poète Alfieri en avait donné une traduction en vers. Blessé par une flèche pourtant léguée par son ami Hercule, Philoctète est abandonné sur l’île de Lemnos par les guerriers grecs à cause de la puanteur de sa plaie. Pour qu’il soit mis fin à la guerre de Troie, l’oracle réclame les fameuses flèches qu’Ulysse et Néoptolème, le fils d’Achille, sont chargés d’aller récupérer à Lemnos. Ils s’emparent, malgré son refus, des flèches du pauvre Philoctète désespéré, tandis que le jeune Néoptolème semble prêt à s’apitoyer et que l’énergique et intraitable Ulysse est pressé de regagner le navire, près du rivage. Fabre, un peu mal à l’aise dans une vaste composition, choisit de présenter ses figures en frise parallèlement au plan de la toile. Il apporte tous ses soins aux beaux détails naturalistes (armure, rapace mort) qui doivent permettre de donner un souffle de vérité à cette action mythique qui a embrasé l’imagination littéraire du peintre. L’esquisse d’ensemble, brillante et colorée, n’offre que peu de variantes avec l’oeuvre finale, si ce n’est dans la pose de Philoctète, et témoigne du soin accordé par l’artiste à cette commande. La beauté des draperies, le heaume resplendissant, le lourd carquois ciselé forment un contraste saisissant avec la figure solitaire et sauvage du héros abandonné dans son antre ; la scène résume à elle seule les ambitions du peintre d’histoire (rhétorique des passions, clarté de la mise en page, noblesse du sujet) à un moment clé de sa carrière florentine. Délaissant les événements contemporains, Fabre préfère un sujet antique qui invite à une méditation poétique et philosophique sur l’inconstance et l’ingratitude humaines. Le tableau, sans doute dispersé à la mort de lord Bristol en 1803, fut acquis en 1808 par un amateur russe, le comte Miatlev, puis, vers 1814, par Charles Sébastien Scitivaux, ancien payeur général en Toscane, avant de rejoindre les collections royales en 1828.
Emplacement
- 26 - Salle GirodetNuméro d'inventaire
2005.1.1
Date
1800
Type d'oeuvre
PeintureDimensions
Materiaux
peinture à l'huile
Genre
HistoireThème
- Mythologie
- Voyage