Contemporain de Georges Braque, de Robert Delaunay, de Marcel Duchamp, Roger Bissière appartient à la génération des grands aînés de l’art moderne. Après des études à l’école des beaux-arts de Bordeaux, puis à Paris dans l’atelier de Gabriel Ferrier (1847-1914), insatisfait d’un travail qui oscille entre figuration et cubisme, Bissière s’engage dans des activités plus théoriques : critique d’art pour la revue L’Esprit nouveau en 1920-1921, puis enseignant à l’académie Ranson de 1923 à 1937, il ne cesse de prendre du recul et finit par rompre avec la peinture. Retiré à Boissiérette dans le Lot pendant les années de guerre, il se consacre à la restauration de sa maison, pour laquelle il utilise des matériaux de récupération, et aux travaux des champs qui lui permettent de renouer avec ses racines. Pendant ces années de retraite, où sa maison sert de refuge aux artistes fuyant l’occupant, son influence sur les jeunes générations (Alfred Manessier, Jean Le Moal…) ne cesse de grandir. Faute de disposer de matériel pour sa peinture, il réalise avec sa femme Mousse des tapisseries archaïques qu’il expose pour la première fois en 1947 à la galerie parisienne René Drouin, après un silence de presque vingt ans. Atteint d’un glaucome, il craint de perdre la vue et doit se résoudre à une opération, traumatisme qui consacre la rupture avec son oeuvre passée. Il renonce à la figuration, sans pour autant se reconnaître abstrait : « Je n’ai cessé de répéter que si j’étais non figuratif, je me refusais absolument à être abstrait. Pour moi un tableau n’est valable que si il a une valeur humaine, s’il suggère quelque chose et s’il reflète le monde dans lequel je vis, le paysage qui m’entoure, le ciel sous lequel j’évolue, la lumière du soir et du matin » (dans Lettres françaises, janvier 1966). À partir de 1951, il entre à la galerie Jeanne Bucher, qui accompagne une reconnaissance de son travail toujours croissante. C’est là que Georges Desmouliez, adjoint à la culture de la Ville de Montpellier et féru d’art abstrait, repère Un peu de joie dans beaucoup de tristesse en 1963. Réalisé en 1960, le tableau est exemplaire de la seconde partie de l’oeuvre de Bissière. Le recours à un support fruste, une toile à matelas, rappelle les matériaux de rebut utilisés dans ses tapisseries. Sur un fond en camaïeu qui installe une ambiance colorée, Bissière construit une grille faite de lignes horizontales et verticales interrompues qui semble héritée des exercices de simplification de Piet Mondrian. Il place ensuite des taches de couleurs vives, complétées ici par un usage très personnel du vernis : appliqué par touches discontinues, il apparaît, avec ses coulures et ses épaisseurs, comme une véritable couleur qui apporte au peintre une ressource supplémentaire. La toile achevée restitue un ensemble de stimulations visuelles que le vocable de « paysagisme abstrait », inventé par James Guitet pour désigner l’école de peinture qui découle de l’art de Bissière, définit parfaitement.
Emplacement
- 43 - L'école de ParisNuméro d'inventaire
63.3.1
Date
1960
Type d'oeuvre
PeintureDimensions
Materiaux
peinture à l'huile
Thème
- Abstraction