Une Muse

C’est grâce aux relations privilégiées d’amitié entre Fabre, la comtesse d’Albany et le plus grand sculpteur néoclassique italien que le musée possède ce superbe buste. Il fut réalisé en 1811 puis offert à la comtesse qui fut très satisfaite, comme le montrent les termes louangeurs de sa lettre au sculpteur en 1814 : « Je jouis de votre belle muse qui est toujours sous mes yeux dans mon salon ; tout le monde l’admire… » Ce buste constitue le prototype de nombreuses têtes idéales de muses que Canova réalise, avec d’infimes variantes, en l’espace de quelques années. Comme on n’a pas manqué de le faire remarquer, la Muse présente d’évidentes affinités avec le buste idéal de la grande-duchesse Élisa, soeur de l’Empereur (exemplaire en plâtre conservé à Possagno, Gipsoteca), que Canova entreprend lors de son séjour à Florence au printemps 1812 pour l’inauguration de la célèbre Vénus italica ; elle avoue aussi clairement sa dette envers l’antique, en particulier avec la série des cinq Muses Tiburtines découvertes en 1774 à Tivoli lors des fouilles de la villa de Cassius et passées ensuite dans le musée Pio-Clementino au Vatican. La Muse de Montpellier résume parfaitement la poétique de Canova et sa quête passionnée de la beauté idéale : l’ovale parfait du visage, la bouche bien ourlée, les longues arcades sourcilières accentuent l’expression à la fois souriante et distante, tandis que les boucles compliquées et précieuses de la chevelure qui s’opposent au cou gracieux et à la gorge nue ramènent discrètement le buste dans la sphère humaine. Ces bustes féminins d’une beauté à la fois limpide et troublante faisaient l’admiration des contemporains qui les comparaient volontiers aux plus belles créations de l’antiquité gréco-latine.