En 1825, Fabre donne au musée un tableau de Poussin intitulé Vénus embrasse Adonis. Longtemps négligé par la critique à cause de prétendues maladresses, le tableau a depuis ces trente dernières années retrouvé une place de choix dans le corpus de l’oeuvre du plus grand peintre français du xviie siècle. Il constitue un précieux témoignage de la première activité de Poussin deux ans après son installation dans la Ville éternelle en 1624. La commande est due à Cassiano dal Pozzo (1588-1657), secrétaire du pape Urbain VIII Barberini, célèbre « antiquaire » romain, soutien infaillible de l’artiste alors en grande difficulté. Poussin se tourne durant ces années (comme la plupart des peintres au même moment) vers la peinture vénitienne et admire les Bacchanales de Titien alors conservées à Rome à la Vigna Aldobrandini. Le thème des amours de Vénus et Adonis, souvent abordé par les peintres à la Renaissance, connaît un regain de faveur avec la publication en 1623 de L’Adone, dédié à Louis XIII, par Giambattista Marino (1569-1625), ami et bienfaiteur de Poussin. L’artiste s’intéresse à ce mythe raconté par Ovide (Métamorphoses, X, 529 et suiv.) tantôt dans son aspect heureux, comme ici, tantôt dans son dénouement tragique comme dans La Mort d’Adonis (musée de Caen). Poussin installe le couple mythique, audacieusement enlacé, à l’ombre d’un massif de végétation, autour duquel s’ébattent des putti joueurs et complices. La déesse de l’Amour semble enjoindre à son amant de ne pas céder à sa passion fatale pour la chasse. En 1978, lors d’une restauration, une inscription sur la toile d’origine a confirmé la provenance Dal Pozzo et a permis de mettre le tableau en relation avec une autre toile de collection privée, Paysage au dieu fleuve. Les toiles réunies correspondent bien à une Vue de Grottaferrata (région des Castelli Romani dominée par le Monte Cavo) commandée par Cassiano dal Pozzo comme dessus-de-porte et coupée en deux parties par ses descendants vers le milieu du xviiie siècle. La partie gauche, classée Trésor national, a pu être acquise par le musée en 2010, avec le soutien de nombreux mécènes. On peut admirer aujourd’hui ce chef-d’oeuvre miraculeusement reconstitué dans toute sa primitive splendeur : à gauche, un dieu fleuve inspiré de statues antiques célèbres (Marforio, Le Tibre et Le Nil du Capitole) donne à boire aux lévriers du chasseur dont on distingue le cor et l’épieu près de la draperie cramoisie, à droite. La largeur d’exécution, la sensualité de la palette colorée, le luminisme ardent, l’extraordinaire palpitation de l’atmosphère procurent au spectateur un sentiment d’ivresse et d’inquiétude mêlées. Ce ciel rougeoyant n’est-il pas annonciateur de l’issue fatale de l’histoire avec la séparation des amants et la mort du héros ?
Emplacement
- 14 - Salon Fabre 1Numéro d'inventaire
825.1.171
Date
Vers 1626
Type d'oeuvre
PeintureDimensions
Materiaux
peinture à l'huile
Genre
HistoireThème
- Eau
- Mythologie