Vue prise dans les Apennins sur le sommet du Mont Lavernia

Fils de Louis François Bertin, dit Bertin l’Aîné, directeur du Journal des Débats, Édouard Bertin est candidat malheureux au prix de Rome pour le paysage historique de 1821, remporté par Rémond. Il voyage à ses frais en Italie et se mêle au milieu de la villa Médicis. Lors du voyage de retour, en 1821, il fait escale à Florence et rend visite à François-Xavier Fabre, ami de son père. Il débute au Salon de 1827 et poursuit sa formation dans l’atelier d’Ingres dont il devient un intime. L’oeuvre présentée au Salon de 1836 compte parmi les plus belles réussites de ce paysagiste discret qui sut renouveler la vision de la nature en l’émancipant peu à peu des conventions académiques, en acceptant la tradition mais en cherchant avant tout à rendre la nature pour elle-même. La composition tout en hauteur, dans un format cintré, empruntée aux primitifs qu’il admirait, divise rigoureusement la scène en deux parties : à droite, un précipice sombre dominé par un rocher à contre-jour sur lequel se tiennent deux religieux en conversation près d’un petit ermitage ; l’un d’eux étend le bras en direction d’un vaste paysage dénudé, sur la gauche de la toile. La croupe jaune de la terre, les falaises plongeant dans l’abîme, la fine lumière du soir filtrant à travers les feuillages légers et les troncs effilés, le site accidenté, le paisible recueillement des deux hommes procurent à l’ensemble un charme prenant, mélange de grandeur solennelle et de discrète mélancolie. Toute sa vie, Bertin gardera le souvenir admiratif de ses séjours dans la péninsule et de sa découverte des paysages naturellement construits, austères et nimbés d’une chaude lumière. Face à la montée des tendances naturalistes et réalistes, Bertin est aux côtés de Caruelle d’Aligny (1798-1871), de Paul Flandrin (1811-1902) et de Corot (1796-1875) un des meilleurs défenseurs du paysage idéal hérité de Poussin et de Claude Lorrain.